Le Redoutable - Michel Hazanavicius, 2017 (avec spoils)

 
Date de sortie 13 septembre 2017 
Synopsis : Paris 1967. Jean-Luc Godard, le cinéaste le plus en vue de sa génération, tourne La Chinoise avec la femme qu'il aime, Anne Wiazemsky, de 20 ans sa cadette. Ils sont heureux, amoureux, séduisants, ils se marient. Mais la réception du film à sa sortie enclenche chez Jean-Luc une remise en question profonde.
Mai 68 va amplifier le processus, et la crise que traverse Jean-Luc va le transformer profondément passant de cinéaste star en artiste maoiste hors système aussi incompris qu'incompréhensible.

Préambule

En guise de titre, Hazanavicius souhaitait faire, en forme de clin d'oeil, donner un aspect "belmondesque". A ce propos, il ajoute : "on peut penser au Marginal, à L’Incorrigible, au Magnifique… Et j’aime aussi que le mot puisse s’entendre de façon à la fois positive et négative : dire de quelqu’un qu’il est redoutable, cela peut être aussi bien un compliment qu’un reproche"

Le Redoutable est inspiré du livre Un an après écrit par l'ex femme de Jean-Luc GodardAnne Wiazemsky. Le réalisateur est tombé par hasard sur ce bouquin dans une gare alors qu'il cherchait quelque chose à lire pour son trajet en train. 

Le hic, c'est qu'aucun réalisateur n'a réussi à avoir les droits du livre "Un an après" et de "Une année studieuse" dont Le redoutable est adapté. Anne refusait de les vendre pour que ça devienne un simple biopic.

"Le Redoutable comporte quelques éléments tirés d’Une année studieuse, mais l’essentiel vient d’Un an après. Je me souviens que, juste avant de raccrocher, je lui ai dit que je trouvais cela d’autant plus dommage que le livre m’avait paru très drôle. Elle a tout de suite réagi en disant qu’elle aussi trouvait cela très drôle, mais que jusqu’à présent personne ne lui en avait fait la remarque. C’est ainsi que tout a commencé", confie le réalisateur. 

Michel Hazanavicius et son directeur Photo, Guillaume Shiffman

 

Guillaume Schiffman, qui collabore avec Michel Hazanavicius depuis le premier volet d'OSS 117, confiait à l'époque du tournage : "c'est un huis clos mais, à l'intérieur de ce huis clos, il y a mai 68 en toile de fond"

 

 

 

 

 

Critique

(Avant d'analyser "Le Redoutable", je tiens à préciser que je n'ai vu aucun film de Jean Luc Godard et qu'il est possible d'apprécier ce film seulement en tant que "comédie populaire", comme Michel Hazanavicius tient à faire savoir.)

Le film est découpé en plusieurs parties. Les titres font référence à la filmographie de Godard. 

1. Wolfgang Amadeus Godard 
Jean Luc Godard parle du mépris des acteurs. Il dit que les acteurs sont cons. Cette séquence est métatextuelle. 

Aliénation. JLG est intéressé par ce que les autres ne font pas. Faire comme dans les films ne l'intéresse pas, contrairement à Anne Wiazemsky, qui aime faire comme dans les films. Michel Hazanavicius décrit donc la scène en voix off. 

2. Mao c'est du chinois. 
Son film La chinoise est mal reçu. Les critiques parlent d'une oeuvre d'un crétin révolutionnaire, qui n'a rien compris à la révolution.
Passage de son long métrage au festival d'Avignon et via une conférence de presse bordélique. Film mal accueilli, critiques négatives, description cruelle au sens premier, reste d'une platitude avec ses lectures minables et interminables.
Jean Luc Accepte l'erreur, il trouve que son cinéma est convenu. 
Il se dit être acteur qui fait semblant d'être Godard. Il veut alors inventer un vrai cinéma politique. D'ou sa question : "Comment faire du cinéma avec tel ou tel sujet"
Il cite alors Sacha Guitry : "On ne sait plus où donner du cœur, c'est à vomir." 
Pour Godard, la politique, c'est comme une paire de chaussures, il y a la gauche, la droite et à un moment on ne sait plus où mettre les pieds. Grande partie métatextuelle.

3. Enragez-vous 
Nous sommes en Mai 68 Godard répond qu'il refairait des films marrants quand ce sera marrant dans la vie, quand un couple de fan lui demande s'il en referait.
Avec tout ce qu'il se passe, "pourquoi le cinéma ne pourrait pas être comme dans la vie ?"
Hazanavicius s'amuse avec Godard. Il le fait passer pour un idiot, quand, par exemple, ce dernier,
 pour échapper à la manif, court, glisse, et casse ses lunettes. (Ce qui arrivera par 4 fois dans le film.)
Godard est très dur avec sa femme. A propos des flics : "On ne dit jamais merci à un flic."
 

4. Les liaisons dangereuses 
Indifférent 
envers sa femme, préférant discuter avec Gorin. Elle discute avec un autre homme. Godard l'engueule. En ressort son coté patriarcal. 
Le réalisateur est condescendant envers son public. Pour exemple : Il filme la manif. Il est interrompu par un de ses fans venu le remercier. Il lui répond sèchement : "Vous êtes ennuyeux !" Et encore pire : "Tu as gâché mon plan"

5. Avec Mao, tout est plus beau 
Arrêt du Festival de Cannes ?
Godard se retrouve dans la maison de Pierre Lazareff. D'ailleurs, Hazanavicius en fait une biographie hilarante ! 
C'est durant cette partie qu'on peut voir le plan de Godard (comme sur l'affiche) 
Avec Truffaut, Renais et Cournau, Godard veut manifester sa solidarité avec les mouvements étudiants. C'est pourquoi, ce dernier demande l'arrêt du festival de Cannes cette année là. 

6. Pierrot le mépris 
Godard estime qu'il faut faire ce qu'il y a à faire. C'est ici que nous pouvons assister à une séquence au sommet pour tout cinéphile qui se respecte. C'est une discussion tendue sur le cinéma. Cournau ne fait que parler. Godard s'énerve. Emile (je m'identifie à lui) donne son avis sur le cinéma, il choisit les films pour se détendre. JLG est condescendant. Du pain béni ! Et cette séquence est métatextuelle ! 

7. Sauve qui peut (les meubles)
Godard s'excuse auprès de sa femme, ça se termine sur l'oreiller. "Si on a une fille, on l'appellera Josette, j'ai toujours rêvé d'être le père de Josette. (Sans doute un jeu de mot avec paire de chaussette") 
Une séquence rendue avec le négatif de la bobine. Bug en synesthésie avec le vinyle rayé sur la platine. 

8. Le premier des mohicans 
"Le cinéma doit être comme un marteau, un outil qu'on doit bien savoir utiliser."
Godard crée le Collectif Dzigabertoff. C'est à ce moment qu'il se désintéresse des mouvements étudiant.
S'ensuit une discussion froide mais tout en finesse avec sous titres, pour souligner ce qu'ils pensent vraiment. 
Dénonciation des films avec du nu. Encore une séquence métatextuelle. 

 

9. Tuer Godard
Godard se victimise auprès de sa femme. Ils ne s'aiment plus. 
Anne est dévastée.

Il en rajoute : "Tu es devenue une vulgaire petite actrice banale"
"Tu accordes ta philosophie avec tes actes, au lieu de faire l'inverse" 

 

Epilogue 
Un an après.

Anne Wiazemsky a quitté Jean Luc Godard sur le tournage de Vent d'est. 
Le cinéma autogéré. Faire sa révolution au mépris du cinéma ? o
u Faire son cinéma au mépris de la révolution ? 
En guise de réponse : "Ce n'est pas parce que je me suis trompé que j'ai eu tort." 

 

Conclure ou essayer de conclure ? 

Comme un clin d'oeil, Hazanavicius, termine (comme il l'avait commencé) par cette phrase, qui n'est pas sans rappeler le titre :

"Ainsi va la vie à bord du Redoutable" Ce qui résume le ton du film. 

Par la voix off qu'il fait et avec celle de Stacy Martin, Hazanavicius explicite que c'est le Godard d'Anne Wiazemsky. 

Louis Garrel y livre une prestation à la fois drôle et juste dans le rôle de Godard. Par son coté naïf, qui donne le ressort comique. Les lunettes, par exemple. Ou encore, l'accentuation du cheveu sur la langue lorsqu'il parle, pour le ridiculiser. Et toutes les scènes de colère, qui le fait passer pour quelqu'un de sanguin.

Et le coté parodie singlante, les jeux de mots, type Jean Villar / Hervé Villard,  La chinoise / La tonkinoise, font du Redoutable un bel objet dans la filmographie de Michel Hazanavicius. 

Ce dernier s'auto référence en parsemant sa filmographie dans  Le Redoutable. La partie en Noir et Blanc c'est "The Artist", pour les jeux de mots, c'est "Les infidèles" etc... 

En ce qui concerne Stacy Martin, celle ci est profonde et touchante dans le rôle d'Anne Wiazemsky ! Révélation. 

Ce qui est dommage, c'est que ce film a été mal distribué dans les salles françaises. 250 copies seulement, soit autant que pour The Search, son dernier long métrage. 

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