Grave - 2016, Julia Ducournau

 
SYNOPSIS : Dans la famille de Justine tout le monde est vétérinaire et végétarien. À 16 ans, elle est une adolescente surdouée sur le point d’intégrer l’école véto où sa sœur ainée est également élève. Mais, à peine installés, le bizutage commence pour les premières années. On force Justine à manger de la viande crue. C’est la première fois de sa vie. Les conséquences ne se font pas attendre. Justine découvre sa vraie nature.

Avant-propos

Avant Grave, Julia Ducournau a réalisé Mange, un téléfilm pour Canal+ en 2012 et Junior, un court-métrage de 21 minutes. dans lesquels la cinéaste traitait de métamorphose physique : "Mange était très punk avec beaucoup de sexe, de drogue. C’était l’histoire d’une ancienne obèse qui recroise la personne qui lui a pourri la vie au collège et veut se venger. JUNIOR, c’est la mutation reptilienne d’une ado très garçon manqué en jeune fille. GRAVE s’inscrit dans la continuité de mon court-métrage. Mes héroïnes portent d’ailleurs le même prénom, Justine et sont toutes les deux interprétées par Garance Marillier", confie Ducournau.
 
Le choix de Garance Marillier s'est vite imposé, c'est l'actrice fétiche de la réalisatrice, qui confie qu'elle lui ressemble et c'est ce qui l'a convaincu pour le rôle en plus de son talent et sa prestance et son physique entre adolescente et adulte.
 
ATTENTION, PARTIE SPOILER !
 

Pourquoi Grave ? 

Son film s'intitule Grave (Raw aux Etats-Unis) car c'est un mot utilisé à tort et à travers et que son utilisation est devenue galvaudée, perdant de sa signification et de sa force. Pour la cinéaste, Grave signifie la gravité, au sens physique du terme, quelque chose qui nous tombe dessus, nous cloue au sol, un poids que l’on porte tous. C’est tangible, concret, important :

"Dans mon film, le mot n’est utilisé que dans une seule séquence, lorsqu’Adrien demande à Justine : « Je veux savoir si tu es dans un délire SM ou si c’est plus grave que ça. » Justine ne dit rien. Elle va dans sa chambre puis revient et lui dit : « C’est grave. » Immédiatement après, ils baisent. C’est parce qu’ils se disent la vérité, qu’ils peuvent faire l’amour."
 
FIN PARTIE SPOILER. 
 
Influence Cronenberg ?
Affirmant s'inspirer de David Cronenberg, Julia Ducournau rajoute "Dans ses films, on voit beaucoup de corps mutilés, blessés… ça peut paraître violent, mais il ne transige pas avec la mort. Il ne met pas de mots pour essayer de l’intellectualiser, de l’adoucir, mais des images. C’est très concret. J’aime ça. Si une image parle, il n’y a pas de raison de rajouter des phrases pour l’expliquer. Cronenberg, c’est surtout le cinéaste qui a le mieux filmé l’aspect psychanalytique d’une métamorphose".

 

 

N'étant pas du tout amateur de ce genre de film, j'avoue avoir été agréablement surpris par son propos et par l'intérêt que celui ci suscite du début jusqu'à la fin !

Attaquons nous à présent à un grave sujet.

A travers ce long métrage qui s'inscrit dans la continuité de JUNIOR, son dernier court métrage, Julia Ducournau à voulu démontrer à travers le parcours d'une adolescente, Justine, ses troubles face au cannibalisme, le tout dans une école vétérinaire. (Elle n'a pas souhaité que ce soit une école de médecine, car les cadavres seraient gênants pour elle à filmer.)

Tout ici est abordé. La place de Justine en tant que femme, la relation compliquée avec sa soeur, ses premiers émois sexuels... Elle découvre tout ! 

Et étant dans une école vétérinaire, va t'elle réussir à transgresser son statut de végétarienne ? Je vous laisse le soin de le découvrir.

Coté mise en scène, Julia Ducournau nous épargne le coté horrifique du film en ne filmant pas les cadavres, mais en filmant chaque scène soit de manière suggestive, ou à contrario, quand le propos le justifie, mais jamais dans la facilité. Ce n'est pas du "juste choquer pour choquer".

D'ailleurs, ce film serait plutôt à conseiller à un public averti, certaines scènes pouvant déranger.

Le propos du film s'axe sur la question féminine, et ce jamais dans la grossièreté. 

Au delà de la mise en scène et de la photographie, la bande son y a une place importante puisqu'elle y est éclectique et celle ci est justifiée dans chaque scène. 

La musique de Grave est judicieusement composée par le britannique Jim Williams. Celui ci a signé plusieurs bandes originales pour Ben Wheatley (Kill List…) :

Pour Ducournau "La musique devait apporter un contraste par rapport à l’action, être dépouillée. Jim a eu des idées géniales, comme de rajouter de l’orgue à la scène du « doigt » qui ajoute une touche gothique. En revanche, pour la fin, je lui ai dit de ne pas lésiner sur le lyrisme. Je vois en Grave une tragédie antique moderne".

Grave est un coup de poing dans le cinéma français. Julia Ducournau réalise un beau travail de mise en scène, surtout en hors champ. Le trouble face au cannibalisme via Garance Marillier, la révélation. Grave s'attaque à de beaux sujets et ce, avec sérieux.

Cocorico pour la France ! 

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